Évolution, créationnisme et science – intermédiaire -2

Leçon 2 : Problèmes et solutions en sciences de l’éducation

 

 

 

Voyons maintenant quelques erreurs que commettent les scientifiques évolutionnistes lorsqu’ils critiquent les créationnistes. La liste n’est pas exhaustive, mais elle suffira à éclairer certains aspects importants du débat. Elle fera ressortir, en outre, à quel point le grand public connaît mal la nature réelle des sciences.

Une des erreurs commises par les biologistes évolutionnistes est leur tendance à exagérer le phénomène de la macroévolution. On entend par ce terme l’évolution au-delà du niveau des espèces. La macroévolution traite des transitions entre les différents types d’organismes, ou des « nouveautés phénotypiques », c’est-à-dire de l’apparition de structures nouvelles, comme un cœur à quatre cloisons, par exemple. Les biologistes commencent tout au plus à comprendre quelques événements macroévolutifs.

Récemment, la découverte d’indices concernant l’évolution des baleines à partir d’ancêtres terrestres a permis de réaliser d’importants progrès grâce à la découverte de plusieurs squelettes de fossiles intermédiaires. Nous savons toutefois très peu de choses sur la manière dont ces transitions se sont produites. Nous connaissons mal la génétique des baleines. Nous ne pouvons pas encore expliquer comment leur organisme s’est transformé pour passer d’animal terrestre à mammifère marin. Ce manque de connaissances ne contredit aucunement la théorie de l’évolution , mais il est dangereux et intellectuellement malhonnête de laisser entendre que nous connaissons plus de choses sur le sujet que ce que nous savons réellement.

Les créationnistes prétendre que la vie est apparue à la suite d’une intervention miraculeuse et qu’elle est inexplicable scientifiquement. C’est la base de leur thèse. Les scientifiques font erreur lorsqu’ils citent pour la énième fois les célèbres expériences de Stanley Miller réalisées dans les années 1950 sur la présumée soupe primordiale. Miller a démontré qu’il est possible d’obtenir chimiquement quelques-uns des éléments constitutifs des organismes vivants si l’on crée des conditions favorables. Cette expérience est intéressante, d’un point de vue historique, mais elle ne nous permet pas d’affirmer pour autant que nous avons percé l’énigme de l’origine de la vie . En fait, malgré l’abondance de théories sur le sujet, ce phénomène reste encore largement inconnu. .

La majorité des scientifiques pensent aujourd’hui que les conditions recréées par Miller ne sont pas celles qui existaient à l’origine de la Terre. De nouvelles explications, dont la théorie de « la pizza primordiale») suggèrent que la vie ne viendrait pas d’un milieu liquide, mais de substrats solides. Il n’y a là rien d’étonnant, puisque la vie est apparue il y a près de quatre milliards d’années dans des conditions difficiles à définir avec précision, et que le processus s’est étalé probablement sur plusieurs millions d’années.

MachoiresIl est indispensable de faire preuve d’honnêteté à ce sujet, car les créationnistes ne manqueront pas de clouer au pilori les biologistes évolutionnistes qui se serviront de cet argument pour tenter de mystifier leur interlocuteur. Il vaut mieux rappeler qu’il s’agit d’un champ de recherche prometteur pour les jeunes biologistes et que toute avancée majeure dans ce domaine leur vaudrait à coup sûr le prix Nobel.

Les arguments des créationnistes portent sur l’ensemble de la science et pas seulement sur la biologie; c’est pourquoi certains scientifiques sont parfois pris au dépourvu. Un évolutionniste n’a pas forcément une connaissance approfondie du Big Bang, et un cosmologiste pourra avoir du mal à discuter de la théorie de la sélection naturelle. Un des arguments récents évoqués par les créationnistes est le principe anthropique (PA) selon lequel, dans l’une de ses nombreuses versions, l’univers est si parfait et si bien adapté à la vie qu’il est forcément l’œuvre d’un créateur.

Le principe anthropique est erroné à bien des égards. Il arrive à des conclusions à partir d’un argument fondé sur l’improbabilité statistique de l’ensemble connu des constantes physiques, alors que nous manquons d’un univers de référence. Nous n’avons aucun moyen de savoir à quels points les valeurs de ces constantes sont effectivement improbables. Il est vrai que la physique commence à peine à comprendre pourquoi les particules élémentaires ont telle ou telle caractéristique. Les physiciens percent peu à peu cette énigme grâce à la théorie des super cordes qui pourrait bien un jour permettre de concilier mécanique quantique et théorie de la relativité. La science évolue constamment et notre ignorance actuelle ne justifie aucunement que nous cherchions des explications surnaturelles absurdes ou que nous fassions preuve d’arrogance intellectuelle.

Les créationnistes ont beau jeu de rappeler que la science a eu son lot de fraudes et de canulars. L’homme de Piltdown présenté comme le lien entre les humains et les chimpanzés est sans doute l’un des cas de fraude les plus célèbres. Les photos ci-jointes montrent deux vues de la mâchoire de l’homme de Piltdown. Il s’agissait, en fait, de la mâchoire d’un orang-outan et d’un crâne humain. Il est important que les scientifiques admettent l’existence de telles supercheries et qu’ils cherchent à éviter que cela se reproduise à l’avenir. Ce genre d’actes frauduleux jette le discrédit sur la science.

Si ces cas de fraude présentent un certain intérêt pour des chercheurs, comme les psychologues. les sociologues ou les philosophes de la science, il convient de rappeler que ces cas frauduleux sont mis au jour précisément par le mécanisme d’autorégulation que constitue l’évaluation par des pairs et sur lequel se fonde la science. En raison du principe de consilience, c’est-à-dire du recoupement des données scientifiques, des artefacts comme l’homme de Piltdown ne cadrent pas avec l’ensemble des connaissances scientifiques et finissent par être dénoncés comme étant des faux. On peut donc utiliser même les canulars et les fraudes pour illustrer la rigueur du processus scientifique.

Il va de soi que les créationnistes peuvent eux aussi propager des erreurs. Songeons, par exemple, à ces photos ridicules d’empreintes de pas de dinosaures et d’hommes qu’on aurait retrouvées, dit-on, dans la rivière Paluxy au Texas dans les années 1900. Les créationnistes ont utilisé ces empreintes comme argument contre la théorie évolutionniste dans les années 1960,1970 et 1980. Or, les géologues ont clairement démontré que ces empreintes ne sont pas celles d’un être humain, mais bien les traces contrefaites de dinosaures métatarsiens.

Les créationnistes ont-ils admis cette erreur gênante élucidée, soit dit en passant, par des scientifiques? Pas vraiment. John Morris, de l’Institut des sciences de la création, ,a reconnu en 1996 qu’il y avait un problème : « J’estime que la preuve est, au mieux, ambiguë et inutilisable comme argument antiévolutionniste à l’heure actuelle. » Notons toute l’ambiguïté de ses paroles. Mais le créationniste Duane Gish, écrivait encore en 2000 : « […] on a découvert d’incontestables traces de dinosaures. Dans les mêmes couches sédimentaires et très proches, il y avait d’autres empreintes que certains prétendent être des empreintes d’hommes, mais ces affirmations ne font pas l’unanimité et soulèvent la controverse » (Extrait d’une brochure intitulée ironiquement Vous a-t-on lavé le cerveau?) Il n’y a pas de « controverse » entourant ces empreintes, il n’y a que le refus obstiné des créationnistes de se plier à l’évidence.

Comment enseigner les sciences?

Science_educationv2La meilleure chose à faire pour que le grand public sache ce qu’est réellement la science est d’enseigner la vraie science, c’est-à-dire lui montrer que la science est une méthode de recherche ouverte et non pas un exercice de magie réservé aux seuls spécialistes. La science est avant tout un processus axé sur la recherche de réponses à des hypothèses; ce n’est pas simplement un ensemble de connaissances. Par conséquent, les connaissances peuvent changer et ce changement est inhérent au progrès scientifique.

C’est en partie pour répondre à ce besoin que l’on a mis l’accent ces dernières années sur l’enseignement pratique en classe. Il est bien qu’il en soit ainsi, car la science étudie les phénomènes concrets de la nature. Mais réfléchit-on suffisamment sur ce que l’on fait?. La science est un exercice intellectuel rigoureux, intéressant, certes, mais qui ne doit pas être forcément « une partie de plaisir ». Il faut apprendre à nos enfants à se concentrer, à se poser des questions et à réfléchir sur ce qu’ils font. Sinon, l’enseignement scientifique sera soit un exercice théorique aride soit une séance tout aussi vide de sens de manipulation de microscope.

Des recherches récentes ont remis en question la thèse des éducateurs selon qui plus on accorde d’importance à l’enseignement des sciences, plus on développe la pensée critique. Dans un article publié dans le magazine Skeptic, une équipe de psychologues (W. Richard Walker, Steven J. Hoekstra et Rodney J. Vog) a cherché à savoirs’il y a une corrélation entre l’acquisition de connaissances scientifiques, évaluée à partir des tests administrés aux futurs enseignants, et le degré de crédulité, mesurée d’après la propension à croire à certains phénomènes paranormaux. L’étude révèle qu’au mieux, il n’y a aucune corrélation.

En fait, le tableau est peut-être plus sombre encore. Les deux diagrammes ci-joints montrent les résultats d’une classe d’étudiants inscrits à un baccalauréat spécialisé à l’université du Tennessee. Le diagramme de gauche indique, comme il fallait s’y attendre, que les étudiants ayant suivi un programme de science connaissent un plus grand nombre de faits scientifiques que ceux provenant de programmes non scientifiques. Toutefois, le résultat le plus surprenant réside dans le diagramme à droite qui révèle que les étudiants en sciences sont aussi ceux qui croient le plus aux phénomènes paranormaux. Ce résultat paradoxal pourrait s’expliquer par le fait que que l’enseignement de la science aujourd’hui consisterait davantage à faire acquérir des connaissances scientifiques plutôt qu’une méthode. Mais d’autres recherches sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse. En outre, les cours généraux de science peuvent effectivement avoir pour effet de diminuer l’esprit critique en entretenant la conception que « si cela a l’air scientifique et que c’est écrit quelque part, ça doit probalement être vrai ». Autre explication possible : la plupart des étudiants en sciences humaines sont tenus de suivre des cours sur la pensée critique ou des cours de philosophie. Cela aurait pour effet de développer chez eux une capacité de raisonnement supérieure à celle des étudiants de premier cycle qui se spécialisent en sciences.

Fonctionnement_cerveau_modifié-1Le premier objectif de l’enseignement doit donc être d’améliorer la capacité de l’étudiant à exercer son jugement critique. Pourtant, la pensée critique ne vient pas naturellement aux êtres humains et, en tant qu’éducateurs, nous devons en être conscients. La partie supérieure du diagramme ci-contre montre le cheminement idéal du raisonnement d’une personne lorsqu’elle a formulé une opinion sur un sujet donné. La partie inférieure schématise la façon dont le cerveau fonctionne réellement. Nos ancêtres n’avaient pas le temps de peser leurs décisions en accumulant des preuves. Ils devaient se décider rapidement. C’était pour eux une question de vie ou de mort. Ce réflexe est encore le nôtre et c’est pourquoi la pente à remonter par les enseignants est raide.

Les scientifiques et les enseignants doivent donc s’inspirer des récentes découvertes en physiologie du cerveau humain. Comme le résume V. S. Ramachandra dans son ouvrage Phantoms in the Brain : Probing the Mysteries of the Human Mind (Les fantômes du cerveau. Sonder les mystères de l’esprit humain), grâce aux recherches sur des sujets présentant des cerveaux partitionnés, nous commençons à comprendre les fonctions de chacune des différentes parties de notre cerveau.

L’hémisphère gauche, qu’on appelle le côté « rationnel », est celui qui rationalise. Il retient les paradigmes d’une personne et sa vision du monde, sans chercher à en justifier les fondements. Cet hémisphère a tendance à gommer tout ce qui ne cadre pas avec un point de vue donné (cela vous rappelle-t-il quelque chose?). En fait, l’hémisphère gauche peut littéralement inventer des explications si les preuves sont rares, voire contradictoires. Bref, il se raconte des histoires.

On a fait une expérience typique avec un sujet souffrant d’une lésion complète du corps calleux, cette commissure qui unit les deux hémisphères cérébraux chez les individus normaux. On a d’abord placé une cuisse de poulet dans son champ visuel droit (contrôlé par l’hémisphère cérébral gauche), puis on l’a invité à y associer un objet. Assez logiquement, le sujet a ramassé une tête de poulet. On a ensuite placé une maison recouverte de neige dans son champ visuel gauche (contrôlé par l’hémisphère cérébral droit) et logiquement, le sujet a choisi une pelle. On lui a ensuite demandé d’expliquer pourquoi il a choisi une tête de poulet et une pelle. Rappelons qu’il n’y a eu aucune communication entre les deux hémisphères et que la seule moitié du cerveau qui puisse formuler une réponse est celle de gauche. Étonnamment, l’hémisphère « interprète » (celui de gauche) a inventé une histoire (une théorie) pour expliquer les faits bien qu’il lui manquât la moitié des faits. L’explication donnée par le sujet est la suivante : la pelle est nécessaire pour nettoyer les excréments de poulet.

Cela dit, il arrive que les gens changent d’avis à l’occasion. Ce changement se produit à la suite d’une interaction entre les hémisphères cérébraux gauche et droit. L’hémisphère droit, le côté « artistique » du cerveau, transmet en permanence des informations divergentes à l’autre hémisphère. Lorsque le degré de divergence atteint un certain seuil (variable selon les individus), la personne éprouve un changement « gestaltique », c’est-à-dire qu’elle change son point de vue. J’espère que chacun de vous a connu cela au moins une fois dans sa vie

Les recherches sur la physiologie du cerveau nous renseignent sur les mécanismes de la pensée. Nous devrions, par conséquent, dans notre enseignement chercher à éveiller le doute,à poser des questions qui suscitent la critique et à stimuler l’hémisphère droit du cerveau, au lieu de faire de longs et fastidieux exposés magistraux dont le contenu est vite oublié.

La « pyramide de l’apprentissage » ci-dessous est un autre apport intéressant des recherches récentes sur le cerveau et l’enseignement. Il montre que toutes les techniques d’apprentissage n’ont pas le même degré d’efficacité.

Nous retenons:

  • 10 % de ce que nous lisons
  • 20 % de ce que nous écoutons
  • 30 % de ce que nous regardons
  • 50 % de ce que nous voyons et entendons
  • 70 % de ce que nous discutons avec d’autres personnes
  • 90 % de ce que nous enseignons à d’autres personnes

Il est important de connaître cette pyramide pour éviter de choisir la technique d’enseignement ou de communication la moins efficace.

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