Ce module cherche à expliquer la différence entre la science et la pseudoscience et à informer sur la nature de la science comme processus de découverte, en comparant en profondeur un exemple scientifique avec un exemple pseudo-scientifique. J’ai choisi la « controverse » entre l’évolution et le créationisme simplement parce que je la connais bien et parce qu’elle est très pertinente pour les humanistes et les sceptiques. De nombreux autres exemples auraient tout aussi bien servi mon propos.
Je veux faire explorer à l’étudiant les principes de base, des hypothèses, des modus operandi et des preuves se rapportant à la fois à l’évolution et au créationisme . . Une comparaison constante entre les deux sujets démontrera progressivement que l’évolution est une science (malgré la possibilité que la théorie actuelle puisse être partiellement fausse, ou du moins incomplète), alors que le créationisme est une pseudoscience (ce qui serait le cas, même s’il s’avérait qu’une divinité surnaturelle avait effectivement créé l’univers à partir de rien!).
L’étudiant doit constamment garder à l’esprit qu’il n’est pas question ici de démystifier systématiquement le créationisme et encore moins de faire l’apologie de l’évolution. Aucun des deux n’est vraiment nécessaire et les deux ont d’ailleurs déjà été faits. Mon intention est plutôt de stimuler la réflexion critique sur les deux sujets, ainsi que de proposer une appréciation plus générale de la science comme processus d’enquête et de découverte.
Le débat évolution création est marqué par de nombreux malentendus et beaucoup de suffisance idéologique. Cependant, les créationnistes semblent récalcitrants à reconnaître la distinction entre ce qu’est réellement la théorie évolutionniste et l’idée qu’ils s’en font. Cette différence est à la fois immense et cruciale. Dans ce module, nous étudieront quelques-uns des malentendus communs qui sous-tendent la perception de la biologie évolutive dans le grand public et chez les créationnistes. L’objectif est d’obtenir une meilleure compréhension non seulement de ce qu’est vraiment l’évolution , mais également une appréciation plus générale sur la nature de la science.
Dans ce module, nous discuterons de cinq concepts clés :
Si vous interrogez à cet égard une biologiste spécialiste l’évolution – par définition la seule personne qualifiée pour répondre à la question, elle vous dira que l’évolution est tout simplement un changement de la fréquence des gènes dans le temps. Cela peut sembler plutôt simple et sans intérêt philosophique, mais c’est conforme au rôle de la science qui est de chercher des réponses à des questions précises et non à des questions portant sur la finalité de toutes choses. La théorie de l’évolution génétique des populations naturelles est très bien comprise par une branche de la biologie appelée la génétique des populations et la biologie moléculaire moderne fournit une preuve directe que la fréquence des gènes change littéralement à vue d’œil. Les exemples abondent et se retrouvent dans toutes les catégories d’organismes vivants (humains compris, évidemment).
Un exemple actuel, fort bien compris et donc indéniable, de l’évolution par les changements au niveau génétique nous est fourni par le virus du VIH, agent causal du SIDA. Ce type de virus, qui provoque une maladie du système immunitaire, a évolué pendant longtemps en utilisant des vertébrés comme véhicule. Des formes connexes du virus étroitement apparentées s’attaquent à des types différents de vertébrés, comme le prédit la théorie évolutionniste. Par exemple, une variété du VIH attaque les dauphins, mais elle est tout à fait distincte de la forme humaine, qui est elle-même beaucoup plus proche de la variété affectant les chimpanzés. C’est parce que les chimpanzés et les humains sont plus étroitement liés et semblables les uns aux autres que ne le sont les dauphins ou autres cétacés. Comme les virus évoluent progressivement (comme tout le reste), ils sont plus susceptibles d’attaquer de nouveaux hôtes qui sont semblables à leurs anciens hôtes.
L’évolution a produit au moins deux formes principales du VIH chez les humains et une troisième serait en train d’émerger. L’histoire de l’une d’elle, le VIH-1, est particulièrement bien connue. Nous savons que cette forme est très proche d’un virus du chimpanzé et, selon des estimations basées sur les données moléculaires, elle est passée des chimpanzés aux êtres humains en Afrique occidentale dans les années 1940. De là, elle a été transportée par un marin norvégien en Europe, où elle a commencé à se répandre dans les années 1970.
Fait intéressant et, encore une fois, en parfaite harmonie avec la théorie de l’évolution , le virus du VIH est en mutation rapide et ce devant nos yeux. Tout cela en raison de nouvelles mutations qui se produisent dans les populations du virus et qui sont sélectionnées pour s’adapter à l’évolution du virus dans son propre environnement. Cet environnement est constitué par le corps humain et par notre comportement sexuel. Différents types de VIH sont maintenant connus qui se spécialisent pour la transmission selon des pratiques sexuelles différentes et selon celles adoptées par les populations humaines touchées. Malheureusement, c’est à cause de cette évolution rapide qu’il est très difficile de trouver un remède contre le sida: la cible se déplace constamment, littéralement sous nos yeux, à cause du processus permanent de mutations et de sélection. Cela signifie concrètement que la théorie évolutionniste n’est pas seulement théorique et qu’elle est d’une importance vitale pour la survie et le bien-être des êtres humains.
La plupart des gens conçoivent l’évolution , pour utiliser la description de Darwin, en termes de descendance avec modification, pour utiliser la description de Darwin, pour ce qui est des grands organismes, en particulier des animaux. Bien sûr, le processus est le même pour les humains, le VIH, ou toute autre chose, mais concentrons-nous un instant sur la macroévolution des changements évolutifs. C’est le domaine de l’anatomie comparée et de la paléontologie. Les preuves de l’évolution des plantes et des animaux nous viennent de l’étude de leur physiologie, morphologie et développement. Une preuve supplémentaire vient de l’étude des fossiles beaucoup plus décriée et beaucoup moins incomplète que les créationnistes le prétendent.
Il y a beaucoup d’exemples frappant de l’évolution morphologique des plantes et des animaux, mais peut-être l’un des plus spectaculaires est celle concernant l’évolution des baleines modernes, qui a été largement élucidée récemment par une série de constatations paléontologiques et par des études moléculaires
Les biologistes pensent maintenant que l’histoire a commencé, il y a 55 millions d’années, avec des animaux terrestres chassant à proximité des cours d’eau (et appartenant au groupe des artiodactyles, à savoir, le même groupe que les hippopotames, les porcs, les chameaux et les moutons), pour se poursuivre par une multitude de formes intermédiaires d’animaux semi-aquatiques et aquatiques, et se terminer avec les deux grands groupes modernes de baleines, à dents et fanons (le graphique ci-dessus résume les relations historiques entre ces grands groupes d’animaux).
Les biologistes pensent maintenant que l’histoire a commencé, il y a 55 millions d’années, avec des animaux terrestres chassant à proximité des cours d’eau (et appartenant au groupe des artiodactyles, à savoir, le même groupe que les hippopotames, les porcs, les chameaux et les moutons), pour se poursuivre par une multitude de formes intermédiaires d’animaux semi-aquatiques et aquatiques, et se terminer avec les deux grands groupes modernes de baleines, à dents et fanons (le graphique ci-dessus résume les relations historiques entre ces grands groupes d’animaux).
Il est important de comprendre que les formes fossiles que nous connaissons ne sont pas nécessairement des descendants directs l’un de l’autre, puisque l’évolution génère davantage un buisson avec de nombreuses branches qu’une séquence ordonnée linéaire. Cette image d’un buisson est exactement ce qu’on peut attendre d’un processus naturel qui n’a pas une orientation donnée (par opposition, disons, à un plan d’inspiration divine dirigée vers un but déterminé). Cependant, pour que la théorie évolutionniste soit confirmée, il suffit que quelques-unes des formes intermédiaires se trouvent à l’endroit et au moment où on les y attend. Un moyen de réfuter l’évolution serait de trouver des fossiles hors séquences. Malheureusement pour les créationnistes personne n’a encore trouvé un fossile humain dans la même strate qu’un dinosaure, ou encore un dinosaure dans la période précambrienne.
La biologie moléculaire moderne, en plus des fossiles, vient éclairer l’histoire des baleines en nous racontant en substance la même histoire sous un angle complètement différent (la convergence des différents types de preuves est la marque d’une conclusion scientifique correcte). Il s’avère que la preuve d’ADN, parmi les proches (mais pas nécessairement les plus proches) parents vivants des baleines sont les hippopotames, qui se partagent le dernier ancêtre commun avant le moment de la scission entre les cétacés et les artiodactyles, il y a 55 millions d’années
Fait intéressant, les hippopotames sont aussi en train de devenir des animaux totalement aquatiques et montrent beaucoup de similitudes avec les baleines : ils sont glabres et ne transpirent pas, les bébés nagent avant de marcher, les femelles allaitent leurs petits sous l’eau, les testicules restent à l’intérieur du corps des mâles. Ce sont là toutes des adaptations à un mode de vie a prédominance aquatique qui nous montrent quelques-unes des étapes intermédiaires que les ancêtres des baleines ont sans doute vécu (il est difficile de l’affirmer avec certitude parce que les comportements et les parties du corps mous, comme les testicules ne se fossilisent pas). La prochaine fois que quelqu’un se moquera de l’évolution progressive de formes terrestres vers des formes aquatiques, aller au zoo et montrez-leur les lions de mer et les hippopotames.
Jusqu’à présent, nous avons vu ce qu’est l’évolution, selon les biologistes. . Il est maintenant important de comprendre ce que l’évolution n’est pas, en dépit des affirmations trompeuses des créationnistes. Par exemple, l’évolution n’est pas une théorie sur l’origine de la vie . En effet l’évolution traite des modifications induites dans les organismes vivants par une combinaison de hasard (mutation) et de forces non-aléatoires (sélection naturelle). Par définition, avant les débuts de la vie il n’y avait pas de mutations et donc pas de variations, donc la sélection naturelle ne pouvait agir. Cela signifie que l’origine de la vie est une question (très complexe) du domaine de la physique et de la chimie et n’a donc rien à voir avec la biologie évolutive.
Le problème de l’origine de la vie n’est peut-être pas insoluble, mais il ne faut pas compter sur les fossiles pour nous aider (les éléments chimiques ne se fossilisent pas) et les scientifiques ont encore une idée très approximative des conditions dans lesquelles s’est déroulé le processus. Toutefois, la piste actuellement la plus prometteuse de la recherche se fonde sur la théorie du chaos, une discipline relativement nouvelle qui a déjà apporté des contributions importantes en mathématiques et en physique et qui traite de la propriété de certains systèmes physiques à s’auto-organiser, c’est-à-dire à augmenter spontanément leur degré de complexité.
Il n’y a rien de magique ou de surnaturel dans l’auto-organisation, comme on peut facilement l’observer tous les jours. Par exemple, les scientifiques ont étudié la formation spontanée de cellules de convection très organisées et complexes dans la haute atmosphère et qui se produit seulement dans certaines conditions environnementales précises. Il se pourrait que la vie provienne d’une auto-organisation dans des conditions environnementales favorables, et ce sera à un (e) jeune scientifique brillant (e) d’en faire la démonstration un de ces jours.
L’évolution n’est certainement pas non plus est une théorie sur l’origine de l’univers. Aussi intéressante que cette question puisse être, elle est plutôt le domaine de la physique et de la cosmologie. Les mutations et la sélection naturelle, les mécanismes de l’évolution , n’ont rien à voir avec les étoiles et les galaxies. Il est vrai que certaines personnes, même des astronomes, se référent à « l’évolution » de l’univers, mais ce qui est entendu au sens général est le changement à travers le temps, pas dans le sens technique de la théorie darwinienne. Que l’univers « évolue» dans ce sens plus large est clairement établi par les observations faites avec des télescopes puissants, tel que le télescope Hubble qui peut effectivement « voir » dans le passé lointain (grâce surtout au fait que la lumière se propage à une vitesse finie) et nous montrer à quoi ressemble une galaxie naissante.
L’origine de l’univers, comme l’origine de la vie , est bien sûr une question scientifique parfaitement valable, même si elle ne relève pas du domaine de la biologie évolutive. Actuellement, notre meilleur espoir de comprendre l’origine de l’univers réside dans ce que les physiciens appellent la théorie des supercordes , qui est une théorie très sophistiquée (et tout ce qu’il y a de provisoire) visant à fusionner les deux grands paradigmes explicatifs de la physique moderne dans une théorie unifiée. Jusqu’à présent, les phénomènes macroscopiques (tels que l’évolution des étoiles et des galaxies) ont été très bien expliquée par la théorie d’Einstein sur la relativité générale. De même, la mécanique quantique a été à même d’expliquer de façon étonnamment précise le comportement de la matière à l’échelle subatomique.
Le problème de l’origine de l’univers (et quelques autres, tels que le comportement des trous noirs), se situent toutefois dans un domaine où les phénomènes microscopiques ont une incidence directe sur le macroscopique (puisque l’univers a probablement commencé avec une particule infime qui a rapidement pris des proportions gigantesques dans ce qu’on appelle le Big Bang). La théorie des supercordes est actuellement la plus prometteuse (bien qu’encore rudimentaire) pour tenter de comprendre ce qui se passe dans des conditions à la limite entre la relativité et le monde quantique. Si elle se révélait exacte, cette théorie pourrait nous fournir une base scientifique solide pour expliquer l’origine de l’univers.
Est-ce que le fait que la théorie évolutionniste ne peut expliquer ni l’origine de la vie ni la formation de l’univers, signifie « l’échec» du darwinisme? Bien sûr que non. Appliquer la biologie évolutive à ces problèmes est littéralement comme mélanger des pommes et des oranges, ou comme si on essayait de comprendre un match de basketball en appliquant les règles du baseball; c’est ce que font souvent les créationnistes, ce qui trahit soit une incompréhension fondamentale de la science, soit une bonne dose de malhonnêteté intellectuelle. Ni l’un ni l’autre ne devraient être tolérés.
Enfin, discutons brièvement du dessein intelligent (DI) , qui prétend que la vie et la diversité sur terre doivent y avoir été mises par un créateur surnaturel, dans un but précis. Il y a quelques objections fondamentales que nous pouvons brièvement résumer ici.
Premièrement, d’un point de vue philosophique, le DI viole deux préceptes essentiels de la pensée scientifique et logique: le rasoir d’Occam et la maxime de Hume . Ainsi, selon le rasoir d’Occam , on ne doit jamais favoriser une hypothèse qui est plus compliquée que nécessaire pour expliquer les faits. La diversité de la vie peut être expliquée par la théorie évolutionniste, qui n’est pas basée sur le surnaturel. Invoquer des explications surnaturelles dans ce cas est un peu comme préférer croire au Père Noël tout en ignorant la réalité plus banale des usines de jouets et des parents impatients.
La maxime de Hume, selon Hume, si l’on invoque une hypothèse extraordinaire – comme l’allégation selon laquelle une entité surnaturelle est forcément responsable de la diversité de la vie – il faut pouvoir présenter une preuve extraordinaire, ce que les créationnistes ne parviennent jamais à faire.
Il y a d’autres objections au DI , comme ne pas tenir compte des preuves empiriques, ni des problèmes moraux qu’il soulève.En voici quelques-uns:
En conclusion, les preuves de l’évolution sont si écrasantes qu’elles exigent, de certaines traditions religieuses, un haut niveau d’engagement idéologique pour les nier. Mise à part la vacuité des arguments des créationnistes, il est intéressant de noter que les biologistes évolutionnistes viennent de toutes les confessions religieuses, et ne sont pas seulement des agnostiques et des athées, alors que le créationnisme est populaire presque exclusivement chez certains fondamentalistes chrétiens et musulmans. Serait-ce une coïncidence?
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